Séminaire sur la durabilité à l’Université de Haute Alsace

Auteurice : Elsa Van Kote

Temps de lecture : ~8 minutes


Présentation succincte

J’exerce la fonction d’ingénieure en humanités à la Maison Interuniversitaire des Sciences de l’Homme - Alsace depuis le mois d’avril 2023. Je travaille au quotidien avec des chercheuses et des chercheurs de différents laboratoires d’histoire, langues, littérature ou encore philosophie (liste non exhaustive). En 2022 je rejoins le groupe de réflexion EVEille porté par Anne Reach-Ngô, Marine Para et Benoît Roux. Le séminaire de 2022 porte sur les pratiques FAIR de la recherche en SHS, auxquels vient se greffer la notion d’écosophie, introduite en France par Félix Guattari en 1989 (lire son ouvrage Les trois écologies). Cette conception de l’écologie dans laquelle se mêle environnement, social et psyché mentale prend ses racines dans les études du philosophe norvégien Arne Næss en 1960 (ouvrage Écologie, communauté et style de vie). Le groupe EVEille se veut être un groupe de recherche et de réflexion dans la continuité de ces mouvements en décortiquant les manières de faire du numérique dans la recherche en SHS.

L’objectif

Pour satisfaire la demande d’appel à proposition du séminaire il s’agit de s’inscrire dans une des trois catégories suivantes :

Pour cet exemple j’ai choisi de m’inscrire dans la catégorie portant sur l’éco-conception. Travaillant régulièrement dans le champ de l’édition critique numérique, et donc dans la création de structuration et de contenu de sites web, ce choix me semble le plus parlant. Il s’agit de site web permettant la visualisation de textes ainsi que leur interrogation. Souvent, l’image correspondante est présent sur la même page.

Se retrousser les manches

Quand on parle d’eco-conception pour un site web, on dit que ces derniers peuvent être optimisés afin qu’ils soient “moins lourds”, et qu’ils demandent moins de “ressources”. Les premiers réflexes sont de pointer du doigt certaines composantes de ces sites, notamment les images ou les vidéos. Les premières solutions envisagées sont alors de se dire “ok bah dans ce cas, on retire le maximum d’images de notre site” afin d’en alléger le contenu. Il existe déjà des CMS ainsi que d’autres logiciels/agences qui proposent leur service pour cela.

Mais prenons le cas exemple d’une chercheuse pleine de bonne volonté faisant appel à ses ingénieures préférées afin de remerdier à la lourdeur de son site. Au départ ce discours d’images “trop lourdes”, trop “grosse” lui parle. Pour elle il suffit dans un premier temps de faire un tri dans ces images, retirer l’inutile pour se satisfaire de l’essentiel. Réflexe normal puisque, rappelons nous, nous disons que les sites web sont alourdis par les images.

Le premier problème apparaît au moment où l’on demande à cette chercheuse : “Tu vois, tu souhaites enlever telle photo qui fait 40ko alors que celle de tel article fait 2 mégas. A moins que scientifiquement tu y vois un problème, il me semblerait plus pertinant dans une optique de libérer le la bande passante, puisque ta deuxième image est hebergée hors des serveurs de la fac, et que la première l’est en locale sur nos serveurs à nous. Après tout dépend le taux de fréquentation de chacune des deux pages web. En plus la première fait appel à des fichiers javascripts qui pourraient être optimisés.”

Voilà, le mal est fait. Nous pouvons soulever trois problèmes avec cette réponse :

L’objectif n’est pas de dire que les personnes relevant du monde de la recherche sont plus ignorants que d’autres. Moi même je ne saurais pas donner de manière précise la définitin de “réseau”, ni même me targuer de tout connaître de la programmation en javascript ou en python. Mais nous nous heurtons ici je pense, à un problème fondamental que l’on retrouve dans toute la recherche en SHS : le manque de culture numérique.i Cela est je pense un des facteurs fondamental du problème de mise en place de projets dits “eco-conçu” ou du moins de projets d’où ressortent une véritable volonté de créer un contenu plus écologiquement soutenable.

Car tout le monde aime l’écologie. Tout le monde aime les oiseaux et les fleurs, et n’importe quelle personne de n’importe quel projet de recherch, à la question “souhaitez vous que votre projet soit plus écologiquement durable”, tout le monde répondra par l’affirmative. Autant du points de vue de l’ingénirie que de la recherche. Les deux côtés sont d’accord avec les principes fondamentaux de l’éco-conceptio : cela permet généralement de produite des sites moins couteux en temps de développement et de maintenance, qui seront plus rapides au chargement et à la navigation, plus accessibles par les robots d’indexation SEO ou bien encore par les personnes déficientes visuellement. Ces sites usent également moins le hardware et par conséquent coutent moins cher en terme de ressources naturelles (dont l’utilisation est grandement due à la fabrication de ce même hardware) et de financements. Tout le monde est d’accord avec ça. Ou du moins, personne ne pourra jamais être véritablement contre ces objectifs là, à moins d’être une personnalité étrange.

Ce manque de culture numérique est je pense, et nous sommes nombreux dans le collectif EVEille à penser cela, un des principaux coupable.

Parlons en analogie

Puisque nous perdons la majorité du personnel de recherche à l’évocation de certains mots de vocabulaire du monde de l’informatique, peut-être exise-t-il un problème plus large encore qu’un simple soucis de “nous en partageons pas le même vocabulaire”. En effet j’irais jusqu’à dire que nous ne partageons pas la même représentation des choses.

Prenons comme exemple le cas des images. Imaginons alors que nous devons traiter deux images différentes :

Si nous cherchons un facteur entre ces deux “poids”, et que nous posons une table de division (je suis honnête, je ne sais plus fais une division alors j’ai regardé sur internet comment on fait), nous obtenons un rapport de 105. L’image de table est 105 fois plus lourde que celle du volcan.

Afin de rendre cela plus visible, utilisons l’analogie suivante : prenons le cas d’une personne devant déplacer une brique de lait (d’amande) depuis une table jusqu’à une scène. Si la brique contient 1L de lait, cela équivaut à 1kilo. La personne n’aura probablement aucun mal à déplacer la brique jusqu’au devant de la scène.

analogie du litre de lait d'amande

En revanche, si on applique le facteur de 105 comme dans notre exemple avec les images, la personne se retrouve à devoir déplacer une brique de lait de 105 kilos. Ce qui rend la tâche beaucoup plus lente, plus dure et plus difficile.

Penser par l’abstraction plus que par la solution

La brique, c’est notre image. La personne, c’est notre serveur, et la scène est notre écran. C’est pourquoi on ne pourrait pas dire “les briques dans la vie sont trop lourdes”. Non : c’est uniquement celel du deuxième cas qui l’est, car elle contient 105 fois plus de lait que la première. De même on ne peut pas dire que nos sites web sont trop lourds à cause des images, ce serait faire la moitié su cheminreflexif. Mais bien : certaines équipes de recherches n’ont pas fait attention au poids de leur image au moment de les mettre dans leur site. On passe de d’une version généralisée “c’est la faute des imaegs” à “c’est la faute de certaines personnes qui n’ont pas fait attention à leurs choix techniques en mettant des images trop volumineuses”. Cela permet de redonner un contexte réel à la pratique du développement web, de ne pas la cacher dans l’ombre.

Nous avons tendance à réflechir en informatique de la même manière que nous le faisons dans la vraie vie. Pour un grand nombre d’utilisateurs et utilisatrice d’informatique, un fichier est un fichier, ue image est une image.

Mais la vraie vie ne nous mets pas à disposition des interfaces graphiques facilitatrice de nos futiles existence. Elle n’a pas de “place à économiser” dans notre champ visuel (A DVP).

METTRE HISTOIRE SAC DE COURSES ET POMMES

Ce désir de la part des équipes de faire de l’éco-conception web est une formidable occasion pour remettre au centre cette culture du numérique ! Certaines équipes commencent à s’intéresser à tout cet univers, dans un soucis de meilleure compréhension et de dialogie entre science et ingénierie. C’est également l’axe principal de réflexion des ateliers “écosophie du numérique” menés par le collectif EVEille.